Tribune. “Pour décarboner la France, il va falloir investir massivement sur le solaire”
Pour Pascal Lorot, président de l’Institut Choiseul, la France doit accélérer ses investissements dans l’énergie solaire.
Les urgences s’additionnent. La crise climatique qui s’aggrave nous somme de décarboner le plus rapidement possible la production de notre énergie. Parallèlement, RTE prévoit une augmentation de 35% de ladite production d’ici à 2050, liée à l’électrification massive de nos modes de vie.
La guerre menée par la Russie en Ukraine révèle par ailleurs notre dépendance, en France et en Europe, à des sources extra-européennes d’énergie. Ce choc géopolitique ne sera probablement pas le dernier et nous oblige à trouver la clé, sinon d’une indépendance totale, du moins d’une autonomie énergétique renouvelée.
La France est à la croisée des chemins et doit trouver la solution d’avenir qui correspond à ses intérêts en tant que puissance. Il ne peut s’agir de la réouverture de centrales à charbon comme en Allemagne, ni de l’importation de gaz de schiste des Etats-Unis. Cette solution doit correspondre au mieux aux capacités de la France, à son paysage énergétique et, ce n’est pas le moindre des enjeux, aux souhaits et à l’acceptation culturelle de nos concitoyens.
Parmi ces dernières, aucune n’a jusqu’ici fait preuve d’autant de qualités et d’atouts que le solaire. Énergie 100 % « compliant », le solaire est propre, adaptable aux circonstances, largement accepté par une immense majorité de Français. Il doit à ce titre être placé au cœur d’une nouvelle stratégie énergétique ambitieuse.
Renforcer l’usage individuel
Sa marge d’évolution est immense et c’est d’abord au niveau de l’usage individuel que se trouve le levier d’un changement d’échelle. Selon le Syndicat des énergies renouvelables (SER), la capacité du parc solaire photovoltaïque en France métropolitaine en 2021 atteint seulement 12,34 gigawatts (GW) contre 18,5 GW pour l’éolien et 25,7 GW pour l’hydroélectricité.
À ce jour, par exemple, seuls 500 000 logements sont équipés sur les 20 millions maisons individuelles en France. Pour l’ADEME, ce gisement inexploité des habitations représenterait 364 GW. Il parait donc sensé de concentrer les efforts sur le photovoltaïque résidentiel, celui du plus grand nombre, celui du quotidien.
La filière photovoltaïque résidentielle a gagné en maturité et est prête à monter en puissance. Après 30 d’exploitation, le retour d’expérience est suffisant pour estimer la perte de rendement d’un panneau à 10 % seulement.
Les technologies sont maîtrisées et toujours plus performantes : le pilotage augmenté de solutions d’IA et de cloud, conjugué aux nouvelles capacités de stockage dans les batteries et dans le réseau (V2G) font du photovoltaïque une source d’énergie agile et facilement intégrable au réseau, au plus proche des consommateurs-producteurs. La recyclabilité des panneaux est en grande partie acquise et ouvre la voie à une filière de reconditionnement efficace.
Parallèlement, une politique de subventions publiques ciblées peut soutenir tant l’installation que l’autoconsommation et la vente d’électricité. Des régions jusqu’aux EPCI (Etablissements publics de coopération intercommunale), en passant par la création d’un Haut-Commissariat à l’énergie solaire, tous les acteurs publics doivent accompagner à chaque échelon de décision le développement du photovoltaïque résidentiel.
Les Français eux-mêmes doivent s’emparer du photovoltaïque. Ils semblent déjà le plébisciter : selon une étude d’Harris Interactive réalisée pour l’Institut Choiseul, 91% des Français déclarent avoir une bonne image de l’énergie solaire. Cette quasi-unanimité est une opportunité.
Au sein de la population et des forces vives de notre pays, un nouveau « Pacte Solaire » est prêt à voir le jour. La structuration d’une filière industrielle de fabrication et de retraitement de panneaux solaires garantirait la création de valeur de bout en bout sur tout le territoire.
En améliorant la formation professionnelle dans les métiers du solaire et en développant des écoles et des parcours professionnels dédiés, la France peut s’assurer que le solaire soit un vecteur d’emploi et d’insertion au service du dynamisme de tous les territoires.
Nous pouvons faire d’une France « Solar Nation » le projet des années à venir. Une France qui, de manière concertée et ambitieuse, par ses politiques publiques et sa politique industrielle, dans ses usages individuels et collectifs, fait le choix assumé de l’énergie solaire comme première source d’énergie renouvelable pour effectuer sa transition énergétique.
Cette tribune fait écho à la nouvelle Note Stratégique de l’Institut Choiseul, intitulée « Faire de la France une Solar Nation ».