Paroles de lauréats : Meziane Idjerouidene
Face à la crise, chaque jour, les lauréats et alumni Choiseul, mais aussi plusieurs de nos amis et partenaires, réagissent. Une série d’échanges avec plusieurs d’entre eux qui nous font part de leur vécu, nous exposent leurs stratégies de rebond mais aussi nous livrent leur vision du « jour d’après ».
Aujourd’hui avec Meziane Idjerouidene, Président de Weaving group. Dans les années 2000, aux côtés de son père, il est parvenu à hisser Aigle Azur au second rang des compagnies aériennes françaises. En 2014, Meziane Idjerouidene prend la tête de Weaving Group, qui opère dans le transport, la finance, la communication ou encore l’épicerie fine. Il est dans le top 10 du classement Choiseul 100 2020.
Comment Weaving Group, une entreprise aux activités si diversifiées, est-il impacté par cette crise inédite ? Certains secteurs le sont-ils plus que d’autres ?
Weaving Group est présent dans la logistique, le retail (épicerie fine), la communication digitale, le transport et le capital-risque. Nous sommes donc confrontés à des situations très différentes et complexes à gérer d’un point de vue humain et économique. Il y a bien sur des secteurs plus fortement impactés, en fonction de leur nature : je pense notamment à La Chambre aux Confitures qui produit et vend de la confiture haut de gamme en France. Pour l’heure, l’usine de production est à l’arrêt, 6 magasins sur 7 sont fermés mais nous avons pu maintenir nos ventes en ligne. À l’opposé, Dagobert, agence de communication digitale s’est immédiatement réorganisée en télétravail pour tous ses collaborateurs. Malgré la suspension ou le report de certains projets, l’agence continue ainsi d’accompagner ses clients au quotidien, à prospecter, et à répondre à des appels d’offres.
La logistique, domaine dans lequel nous sommes historiquement présent avec GoFast Freight Forwarding, est souvent considérée comme un indicateur clef de la situation économique mondiale. Ce secteur est touché de plein fouet, notamment sur nos 2 segments de marché : l’activité régulière et conventionnelle (liée au commerce international), et l’activité des projets industriels. C’est à présent toute une chaîne de travail qui est brusquement à l’arrêt, ou qui tourne au ralenti. D’un côté, les chaînes des usines de fabrication (celles qui fabriquent comme celles qui commandent) sont stoppées et ne produisent donc plus le matériel que nous transportons d’habitude; de l’autre, la forte réduction voire l’arrêt des moyens de transport (particulièrement aérien et maritime) impacte l’activité sur des projets, avec des moyens de substitution inexistants. Depuis le début de la crise, notre activité a vu son volume divisé par 10, avec un effet plus important sur le transport régulier que sur le projet industriel. Nous avions plusieurs gros chantiers en cours : aujourd’hui, ces contrats sont soit à l’arrêt, soit tournent au ralenti. Pour vous donner une idée plus concrète : en général, un projet en cours de construction reçoit une arrivée de fret par jour. Actuellement, nous tournons autour d’une arrivée par semaine.
Depuis le début de la crise, notre activité a vu son volume divisé par 10, avec un effet plus important sur le transport régulier que sur le projet industriel. Nous avions plusieurs gros chantiers en cours : aujourd’hui, ces contrats sont soit à l’arrêt, soit tournent au ralenti. Pour vous donner une idée plus concrète : en général, un projet en cours de construction reçoit une arrivée de fret par jour. Actuellement, nous tournons autour d’une arrivée par semaine.
Il y a enfin un autre enjeu à ne pas négliger : les politiques sociales qui diffèrent suivant les pays dans lesquels nous sommes présents. En France, nous avons la « chance » de pouvoir bénéficier de dispositifs de soutiens aux entreprises et aux salariés, ce qui n’est pas encore le cas, par exemple en Algérie, pays dans lequel nous avons des filiales logistique et travel corporate. Il faut donc « jongler » avec des règles différentes en adaptant notre organisation à très court terme afin de traverser cette période, et être prêts à repartir le moment venu. Nous pouvons heureusement compter sur l’attachement et l’engagement des salariés qui continuent à accompagner nos clients et prospects au quotidien. C’est souvent dans les crises que les collaborateurs se révèlent et que la notion de collectif prend tout son sens.
Comment vous projetez-vous dans l’après crise ? Votre business model sera-t-il durablement transformé ? Voyez-vous dans cette crise, une fois qu’elle sera terminée, des opportunités nouvelles pour votre groupe ?
Mon rôle est de maintenir le cap de Weaving Group, afin que l’ensemble des collaborateurs, clients et partenaires puissent continuer d’exercer leur rôle une fois cette crise passée, avec une priorité : préserver les emplois. Il serait aujourd’hui trop hâtif de tirer des conclusions définitives : ni se dire que tout va repartir “comme avant” une fois le déconfinement acté, ni se dire que tout sera “complètement différent”. Nous allons au-devant de plusieurs mois et années très compliquées, et nous aurons à cœur de traverser cette crise en adaptant nos différents business modèles.
S’il y a néanmoins une stratégie que je continuerai à mener, c’est celle de la diversification au sein du Groupe mais aussi dans chaque entité, avec différentes offres de services, canaux de distributions, et profils clients. Je mesure aujourd’hui l’importance d’avoir choisi de varier nos investissements. C’est un tournant que nous avons amorcé il y a bientôt 10 ans, et c’est notre force majeure pour traverser cette crise aujourd’hui, et repartir demain.
Selon vous, quels changements majeurs caractériseront le « monde d’après » ?
Si j’ai la certitude qu’il sera plus résilient, je le souhaite aussi plus solidaire, avec des mesures économiques et sociales fortes à l’échelle européenne. Nous pouvons déjà souligner qu’à la différence des crises économiques précédentes, les États ont cette fois rapidement mis en place des mesures et alloué des budgets afin de soutenir – temporairement – les entreprises et salariés.
J’espère aussi que cette crise provoquera une prise de conscience concernant le rôle clef de l’humain en entreprise, mais aussi la valeur de l’argent et la nécessité d’avoir des bases financières saines pour construire sur du long terme. Attention néanmoins à ne pas se tromper de priorité ou de basculer dans la naïveté du “monde d’après” : nombreuses sont les entreprises qui luttent d’abord pour leur survie.
Je souhaiterais enfin une prise de conscience plus forte d’une cause qui m’est chère : la lutte contre le déterminisme social. Parce que les plus démunis en sont aujourd’hui privés, nous mesurons (enfin !) l’importance du système éducatif français, ainsi que le rôle clé joué par l’ensemble du corps professoral. C’est aussi par le prisme de l’éducation que nous voyons plus clairement les inégalités sociales, et les difficultés rencontrées par les plus dépourvus pour permettre à leurs enfants de suivre la classe à domicile. C’est ce changement pour lequel nous continuerons d’agir, au travers de la fondation Arezki Idjerouidene.