Paroles de lauréats : Marguerite Bérard
Les banques ont confirmé leur maturité digitale
Aujourd’hui avec Marguerite Bérard, membre du comité exécutif de BNP Paribas et directrice des réseaux France. En 2017, elle est en tête du classement Choiseul 100 France dont elle aujourd’hui Alumni.
Face à la crise, chaque jour, les lauréats et alumni Choiseul, mais aussi plusieurs de nos amis et partenaires, réagissent. Une série d’échanges avec plusieurs d’entre eux qui nous font part de leur vécu, nous exposent leurs stratégies de rebond mais aussi nous livrent leur vision du « jour d’après ».
Un peu plus d’un an après votre nomination à la tête de la banque de détail de BNP Paribas, étiez-vous préparée à cette crise ? Comment êtes-vous parvenue à maintenir l’activité ?
Cette crise a représenté un choc inédit par son ampleur et sa vitesse de propagation. Chacun l’a éprouvé dans sa vie personnelle. Cela a été vrai aussi pour les entreprises. Mais ces dernières semaines nous ont également permis de trouver en nous-mêmes des ressorts extraordinaires. Parce que la banque est considérée comme un secteur essentiel au fonctionnement de la société et de l’économie, nous nous devions d’être aux côtés de nos clients dès les premiers jours. Nous nous sommes réorganisés dans un temps record pour continuer à les accompagner tout en protégeant la santé des équipes. Nous avons déployé largement le télétravail. Nous avons demandé à nos clients de privilégier le contact à distance, grâce à nos interfaces digitales, au téléphone, au mail…. Pour autant, nous avons été capables de garder ouvert 90 % de notre réseau d’agences pour ceux de nos clients qui en avaient besoin. Nous avons également pris les mesures nécessaires pour permettre à nos clients de traverser cette période et de préparer la reprise. Nous avons appelé tous nos clients entreprises, proposé aux particuliers de décaler leurs échéances de crédits immobiliers ou de prêts étudiants, augmenté le plafond de paiement sans contact à 50 €, et géré près de 60 000 demandes de Prêt Garanti par l’Etat, soit plus de 15 milliards d’euros, ce qui a demandé de former des milliers de conseillers et chargés d’affaires en 48 heures et à distance.
Nous avons su être agiles, mettre à profit la relation de confiance que nous avons avec nos clients pour les soutenir rapidement et bénéficier des forces de nos outils digitaux. Aujourd’hui, nous poursuivons nos actions quotidiennes pour accompagner la relance tout en organisant le retour progressif dans nos bureaux. Et nous sommes bien sûr en train de tirer les nombreux enseignements de cette crise.
Comment voyez-vous à l’avenir l’articulation entre agences bancaires physiques et services en ligne ?
Les banques ont confirmé leur maturité digitale. Malgré le confinement, nos clients ont pu continuer à gérer leurs opérations de banque au quotidien de façon autonome pour consulter leurs comptes, effectuer des virements, encaisser leurs chèques ou commander leur carte bancaire, etc.. La crise a considérablement accéléré cette tendance. Nous avons par exemple enregistré 30% de demandes de mot de passe supplémentaires. Cela montre que beaucoup de nos clients traditionnellement non ou peu utilisateurs du digital se sont connectés à leur espace client depuis le début du confinement, et cela va continuer à croître. Mais ce que cette crise a aussi montré, c’est que la banque est avant tout un métier de service et de relation. Dans une période de tension comme celle que nous connaissons, nous avons été en contact quotidien avec nos clients pour analyser les conséquences de la crise sur leur situation, répondre à leurs interrogations, leurs inquiétudes et trouver des solutions adaptées pour y faire face. Bien sûr, la banque est une activité très technologique et elle continuera à être toujours plus digitale et industrielle. Mais rien ne pourra remplacer l’empathie, la pédagogie, l’accompagnement et l’expertise d’un conseiller, qu’il soit dans une agence, un centre d’affaires, chez son client ou à distance. Partout en France, nous avons reçu des messages et des témoignages de nos clients, qui nous ont remercié d’être là, avec eux, pendant cette crise.
Quelles autres tendances sociétales et économiques cette crise devrait-elle accélérer ? Quelles évolutions voyez-vous émerger ?
Cette crise a accentué la volonté d’une croissance plus durable et peut faire évoluer nos comportements. Personne ne s’attend à un retour à l’identique. C’est vrai à l’échelle de l’individu, c’est aussi vrai dans les entreprises, et nous ne pouvons que le souhaiter pour nos sociétés. Le secteur bancaire a un rôle clé à jouer dans cette accélération vers une économie plus durable et moins carbonée. Nous y travaillons depuis plusieurs années tant en matière de politiques sectorielles spécifiques que sur le développement d’une large palette de solutions de financement et d’investissement responsable. Nos métiers peuvent contribuer à diriger de plus en plus de capitaux vers le développement de technologies propres dans l’énergie ou les transports par exemple, mais aussi à inciter les entreprises à des pratiques plus vertueuses en les conseillant dans ce sens. C’est ce que nous faisons par exemple avec les prêts à impact positifs, lorsque nous indexons le taux d’intérêt d’un prêt à l’atteinte de critères RSE évaluée par une agence externe.
Cette crise a également entraîné des réflexions sur l’organisation du travail. On a vu l’efficacité du télétravail, qui va prendre une place croissante à l’avenir. Cela permet aussi aux équipes de développer plus d’autonomie, et de gagner en temps et en qualité de vie, en réduisant notamment les déplacements.
D’un point de vue macro-économique, comment jugez-vous l’action de la BCE depuis le début de cette crise ?
La Banque centrale européenne a réagi avec détermination. Les décisions ont été prises par étape, ce qui était nécessaire pour ne pas déstabiliser l’équilibre économique de la zone euro déjà impacté par la crise sanitaire. A l’action de la BCE se sont également ajoutées les nombreuses mesures de soutien des gouvernements qui ont redonné de l’espoir. C’est le sens de ce qui a été fait en France avec le Prêt Garanti par l’Etat mais aussi les plans sectoriels qui ont été adoptés. Et puis il y a eu les premières annonces d’ambitions européennes. Cette action publique est très importante pour soutenir des entreprises qui étaient saines avant la crise, restaurer la confiance et accélérer la reprise.