Choiseul Magazine – La place des femmes dans l’économie. La tribune d’Angélique Gérard.
Angélique Gérard, diplômée de l’INSEAD, est directrice de la relation abonné de Free, membre du comité exécutif d’Iliad (holding), dont elle est dirigeante-fondatrice. Elle est aussi Présidente-directrice générale de plusieurs sociétés filiales du groupe Iliad. Conférencière et business angel très impliquée dans le suivi des entrepreneurs qu’elle accompagne, elle rejoint le conseil de surveillance d’Europcar en 2015 puis celui de Babilou en 2017. De nombreuses fois récompensée pour ses initiatives (« palme de l’Expérience Client 2015 », Podium de la « Palme du Directeur Client 2015 », « prix Espoir du Leadership 2015 », « Femme du Numérique 2016 »), elle est remarquée par l’Institut Choiseul qui lui décerne la première place du palmarès Choiseul 100 – Les leaders économiques de demain en 2015, succédant ainsi à Emmanuel Macron à la tête du classement. En octobre 2017, elle est décorée de l’insigne de chevalier de l’ordre national du mérite. Angélique Gérard est l’auteure de Pour la fin du sexisme- Le Féminisme à l’ère post #Metoo et L’expérience client, une histoire d’émotions aux éditions Eyrolles.
On l’a ressenti brutalement avec le scandale #MeToo, les femmes subissent des violences au quotidien. On pense violences physiques bien sûr, violences morales et harcèlement, mais aussi violences invisibles liées à notre place dans la société. La raison est historique et la femme est toujours largement cantonnée à la sphère privée et domestique.
On l’ignore et pourtant les femmes ont toujours travaillé ! Au Moyen-Âge, elles étaient autrices, doctoresses, agricultrices, brodeuses et forgeronnes ! C’est ensuite que cela se gâte… Dès la fin du XVème siècle, les femmes sont petit à petit exclues du domaine du travail. Ce n’est qu’en 1907 que la loi autorise nos arrières-grands-mères à toucher un salaire… avec l’accord de leur mari ! Le vrai bouleversement a lieu pendant la première guerre mondiale lorsqu’elles remplacent les hommes dans les usines pour sauver l’économie du pays. Elles ont pris une place qu’elles ne rendront plus jamais ; à coups de grèves et de manifestations, elles obtiennent le droit de travailler sans autorisation maritale en 1965 ! Et c’est plus récemment encore, en 1972, que le principe « à travail égal, salaire égal » est inscrit dans la loi. Il est urgent aujourd’hui d’ajouter un élément déterminant à cette équation : « à travail égal, salaire égal et carrière égale » ! Il existe un impact négatif sur la carrière d’une femme dès lors qu’elle a des enfants ; très souvent les augmentations de salaire sont gelées ou repoussées. Il faut à mon sens sanctionner les entreprises qui discriminent les femmes sur la base des absences liées aux grossesses notamment.
En tant que cheffe d’entreprises, membre du comité exécutif d’Iliad et de conseils d’administration (CA) de grands Groupes, mais aussi mentor pour des entrepreneuses en réinsertion avec l’association LedByHer, le combat pour que les femmes prennent leur place, dans le numérique notamment, me touche particulièrement – et c’est cela que j’ai souhaité mettre en avant dans mon ouvrage Pour la fin du sexisme ! Quand on sait, au-delà de l’aspect humain, qu’atteindre la parité générerait plus de 2 000 milliards d’euros de PIB supplémentaires en Europe d’ici à 2025, il y a de quoi se poser des questions…
Le sujet des femmes est brûlant. L’actualité s’apparente à un océan d’informations en lien avec le féminisme, le féminin, les féminins. C’est comme si l’air était trop plein de tous ces sujets lorsqu’en 2017 éclate le scandale #MeToo. A partir de ce formidable élan pour l’égalité, on a assisté à une nouvelle prise de conscience des dysfonctionnements du système patriarcal : tout ce qui touche à la vie des femmes a refait surface.
La mission du féminisme 2.0 sera sans doute celle de contourner subtilement ce désintérêt massif pour parvenir à rétablir le dialogue. L’autrice explore humblement, dans cet ouvrage, quelques pistes d’une “réconciliation” possible.
Gérard Angélique (2019), Pour la fin du sexisme ! Le féminisme à l’ère post #Metoo – Paris : Eyrolles, 332 p.
Mon livre retranscrit un exercice de déconstruction de nos schémas culturels, auxquels beaucoup de femmes se sont probablement retrouvées confrontées, que ce soit dans la sphère privée ou professionnelle – celui de définir son féminisme et sa place dans la société. Beaucoup ont pu démêler des nœuds, et comprendre un malaise souvent intériorisé ou incompris, grâce à la vague médiatique #MeToo de 2017, qui a initié une vaste réflexion collective sur la place très importante du sexisme dans notre société. La prise de conscience globale concerne les violences sexuelles et les discours sexistes, mais aussi la mixité des métiers (pour les femmes et les hommes), les écarts de salaire et l’invisibilisation des femmes. La critique du sexisme a soudainement gagné en légitimité et en respect. Le corps féminin n’est plus à disposition, ni dans les mots, ni dans les gestes. Dans un monde où les violeurs, les agresseurs et les misogynes doivent désormais rendre des comptes, toutes les interactions au travail sont directement remises en question.
De manière générale, les moyens pour lutter contre les discriminations sont aussi nombreux que la cause est justifiée. Cela fait plus de 10 ans qu’on lit dans les médias que les femmes sont un atout pour l’entreprise. Le sujet n’est pas ce que les femmes apportent en plus, c’est ce que la mixité fait gagner aux équipes, car les spécificités que l’on reconnaît aujourd’hui à chaque sexe sont le résultat d’une éducation et d’une culture conditionnée par les codes du patriarcat. Et, cela a été prouvé, les équipes mixtes surperforment de 16 % par rapport aux équipes non mixtes. Ce qu’apporteraient les femmes ce serait donc l’équilibre de représentation des sexes en entreprise pour apporter cette hétérogénéité, cette diversité de perspective qui fait défaut.
Avec la loi Copé-Zimmermann, la part des femmes dans les CA des entreprises du CAC 40 a triplé entre 2009 et 2015, passant à 34 %. L’écart entre la part des femmes en CA et celle en Comex démontre le succès des politiques volontaristes en matière d’égalité. Et il est clairement de notre devoir de jeunes leaders de favoriser la mixité au sein des hautes instances de décision. Il nous faut agir directement sur ces biais inconscients qui interviennent dans les schémas dramatiques de recrutement, d’évolution de carrière, etc.
L’inclusion et le respect des choix de l’autre représentent pour moi les clés qui permettront d’atteindre cet état d’équilibre dont la société a besoin pour bénéficier d’un bien-être global. Cela passe par deux actions à mener conjointement : pour la génération future, intégrer le fait que tout commence par cette éducation genrée, cadeau empoisonné que les médias et les industriels offrent quotidiennement à nos enfants. La construction de la perception tient à des centaines de petits détails sexistes imprimés dans notre environnement.
Pour notre génération, développer une culture de la sororité marquée par l’entraide, l’échange et un discours bienveillant et inclusif. Une solidarité entre femmes qui met de côté ce qui nous pousse à nous diviser, et renforcera inévitablement notre adelphité. Une notion jusqu’ici peu connue qui unit fraternité et sororité, et dont la racine grecque signifie « matrice », « utérus ». Ce terme est une volonté de ne pas entendre la fraternité comme une notion littérale mais comme l’appartenance à une communauté matrice, à l’heure où le féminisme est souvent confondu avec une chasse à l’homme. Chacun.e est invité à entrer dans une quête à la fois historique et intérieure qui nous offrira l’opportunité de vivre nos relations sociales plus épanouis et apaisés, mais aussi une plus belle relation avec nous-mêmes, pour le respect et l’estime que l’on se doit toutes et tous.