C’est toujours la vie qui gagne
Ce qui enchante, c’est la multiplicité des niveaux de lecture selon que l’on est rêveur ou cynique, pessimiste ou optimiste…
Au premier degré, c’est Tintin au Congo. Courts récits d’aventure truffés d’anecdotes drôles ou terrifiantes. Personnages falots ou truculents, romanesques ou pathétiques. À lire avec gourmandise. Un peu de recul et l’on côtoie Don Quichotte. Monde brutal et dérisoire où la mégalomanie et la Kalachnikov transforment les voyous en héros et réciproquement. Sur le fil du rasoir entre utopie romantique et mers de sang. À vivre comme un film d’action avec les bons et les méchants, stars et figurants de nos actualités.
Mais Bertrand Rosenthal nous livre aussi un peu de son intimité professionnelle. Celle que, par éthique, il a, au fil d’une carrière de reporter, volontairement assignée à résidence en son for intérieur. Le métier d’informer impose un devoir de neutralité qui contraint à tempérer les émotions, à bannir admiration et mépris, jubilation et colère, amour et haine. Être témoin, c’est n’être ni juge ni partie, ni ami ni ennemi.
Pour autant, l’homme n’est pas de bois. Ces élans refoulés se gravent en quelques notes prises à la volée sur un coin de carnet, émois griffonnés pour donner à la mémoire son lot de consolation.
Sans leçons à donner. Juste pour rendre un peu de leur liberté à des tranches de vie – ou de mort – sacrifiées sur l’autel de l’objectivité journalistique. Les coups de gueules sont feutrés, les révoltes tamisées, les impuissances domptées au fouet de l’ironie. Avec l’humour en guise d’espérance.
Comme une ombre de L’Étranger. Fidel Castro compare la révolution à une bicyclette : plusieurs vitesses mais pas de marche arrière. L’image vaudrait-elle pour l’humanité ?