Paroles de lauréats : Louise Piednoir
Face à la crise, chaque jour, les lauréats et alumni Choiseul, mais aussi plusieurs de nos amis et partenaires, réagissent. Une série d’échanges avec plusieurs d’entre eux qui nous font part de leur vécu, nous exposent leurs stratégies de rebond mais aussi nous livrent leur vision du « jour d’après ».
Aujourd’hui avec Louise Piednoir, Directrice d’Aster Fab, cabinet de conseil stratégique spécialisé dans l’innovation présent à Paris, San Francisco, Tel-Aviv et Cambridge. Aster Fab est partenaire du Choiseul 100 et du Choiseul Les Nouveaux Conquérants de l’Économie.
La crise sanitaire et économique à laquelle nous faisons face impacte fortement nombre d’entreprises parmi lesquelles, je l’imagine, plusieurs de vos clients. Comment ces dernières réagissent-elles face à cette situation inédite ?
Nous vivons indéniablement une période de transformation radicale qui voit plus de la moitié de l’humanité être confrontée au même phénomène et quasiment en même temps.
Nous constatons d’abord une énergie collective admirable par sa constance malgré des conditions de travail dégradées : tout le monde est « sur le pont ». Tous nos clients sont effectivement affectés, à des degrés différents selon leur secteur d’activité : l’industrie, la mobilité et les activités pétrolières sont les plus durement touchées avec des arrêts quasi nets d’activité et des plans de reprise complexes et dégradés.
Nous observons ensuite avec intérêt l’adaptabilité forte et rapide de certaines de ces grandes structures pour contribuer à l’effort national et international contre la pandémie, en restructurant leurs chaînes de production ou en activant des alliances industrielles d’envergure.
Enfin, des situations de crise comme celle que nous traversons mettent à l’épreuve la vision, le dessein individuel des entreprises, et ce qui est certain, c’est que ces visions vont être redessinées. Nous entrevoyons notamment un renforcement des convictions sur la nécessaire convergence entre enjeux de l’économie de marché et impératif de développement durable, incarné notamment par la récente Green Recovery Alliance portée par le Parlement Européen et à laquelle près d’une quarantaine de grands groupes européens se sont associés.
Qu’en est-il en ce qui vous concerne ? Face à cette crise inédite, comment avez-vous adapté votre organisation ?
En tant que cabinet de conseil, nous avons constaté un report des opportunités commerciales engagées, puisque nos clients ou prospects focalisent leurs énergies sur la gestion de la crise. Les projets en cours ont toutefois été maintenus, et d’autres opportunités sont apparues car nous sommes sollicités sur des problématiques d’innovation et d’influence liées au monde déconfiné : Comment avant tout apporter une réponse innovante et à l’échelle pour garantir la confiance sanitaire d’actifs partagés par des collaborateurs ou des clients ? Plus généralement, comment prévoir les scénarios et se repositionner dans un monde qui va devoir vivre durablement avec cette pandémie ? Comment identifier rapidement des réponses innovantes, flexibles et qualitatives à des problématiques très concrètes ? Comment, dans un contexte concurrentiel inédit, influencer pour faire gagner sa proposition de valeur ?
Nous soutenons nos clients d’une part en mettant en lumière les initiatives entrepreneuriales les plus innovantes dans le monde, qui viennent enrichir leur réponse à ce nouveau paradigme. Et d’autre part en les aidant à influencer leur écosystème, grâce à de nouvelles approches digitales peu coûteuses et démultipliables.
Concrètement, nous avons adapté notre organisation puisque tous nos collaborateurs travaillent à distance, même si nous en avons l’habitude. Toutes nos interactions clients ou prospects sont également dématérialisées, ce qui nécessite une attention accrue pour tenir le cap : en particulier, les sessions de travail collectives sont plus délicates à conduire à distance, malgré tous les outils modernes à notre disposition. Il faut faire preuve de réalisme, il est difficile de maintenir l’intérêt d’un collectif pendant plusieurs heures sur un écran ! En accord avec nos clients, nous fractionnons donc ces sessions et observons finalement des conséquences positives : nous y arrivons !
Beaucoup d’entreprises ont pris des initiatives innovantes. Certaines autres ont fait preuve de grande solidarité avec les plus vulnérables. Y a-t-il quelques exemples qui vous ont touché et méritent selon vous d’être relevés ?
Le fait de vivre cette crise collégialement avec plus de la moitié de l’humanité conduit à un essor très important d’initiatives et de mouvements de solidarité.
Bien évidemment, nous saluons toutes les initiatives prises pour donner ou produire des masques, visières, respirateurs, gels hydroalcooliques…, ou mettre à disposition des logements ou modes de transports pour le personnel médical ou les malades.
D’un point de vue innovation, j’ai été marquée par l’ouverture par le marché de Rungis en moins de 3 semaines d’un site de vente en ligne pour les particuliers : un bel exemple de capacité à faire pivoter son business model !
Concernant la solidarité avec le plus faibles, j’ai été notamment touchée par l’initiative de La Poste de rendre gratuit son service de visite aux personnes âgées isolées ainsi que la possibilité offerte par la MAIF de reverser le montant des cotisations économisées à des associations.
La date de la fin (progressive) du confinement est maintenant connue. Comment vous y préparez-vous ? À quoi va selon vous ressembler le «monde d’après» ?
Le monde économique d’après sera guidé par plusieurs éléments, parfois contradictoires, mais qu’il va falloir concilier : décentralisation, durabilité, flexibilité, esprit entrepreneurial, pragmatisme et invalidité des croyances passées. L’incertitude est forte quant à l’impact sur l’individualisme : sera-t-il renforcé ? Ou au contraire laissera-t-il la place à une plus grande solidarité ?
Nous sommes convaincus que les règles du jeu économique seront rebattues, représentant des opportunités pour les uns et des menaces pour les autres. En effet, toutes les croyances sont chamboulées : les enjeux écologiques survivront-ils aux enjeux économiques par exemple ? Dans ce contexte, ceux qui tireront leur épingle du jeu seront ceux capables de construire des scénarios, de les tester rapidement tout en maintenant une qualité d’exécution irréprochable. La capacité à construire des écosystèmes de partenaires innovants et flexibles sera une condition critique du succès, conjuguée à une capacité à influencer pour faire gagner sa vision.
Nous sommes également convaincus que les entreprises à mission, ces nouvelles formes de sociétés qui se définissent statutairement, en plus du but lucratif, une finalité d’ordre social ou environnemental, vont devenir légion pour faire écho aux attentes de développement durable. Ce sont d’ailleurs les entreprises attentives à ce sujet qui démontrent une performance boursière supérieure aux indices de référence depuis le début de la crise.
Nous avons profité de cette période pour approfondir les sujets qui nous semblent les plus critiques à maîtriser pour l’avenir : confiance sanitaire, flexibilité des organisations, des chaînes de logistique et de production, questionnement sur l’automatisation, etc. Nous sommes prêts à accompagner nos clients pour réussir dans ce nouveau paradigme.